- ARABE - Les Arabes
- ARABE - Les ArabesOn appelle «Arabes» une ethnie que caractérise essentiellement l’usage de la langue arabe. Cette ethnie occupait, au moins depuis la seconde moitié du Ier millénaire avant J.-C., la péninsule arabique, à l’exception du sud de celle-ci. Elle a eu tendance à déborder sur les pays limitrophes au nord de cette péninsule dès une antiquité reculée. À partir de la conquête musulmane (VIIe s.), cette expansion a abouti à l’assimilation (arabisation) de très nombreuses populations, des contreforts du Zagros à l’océan Atlantique. Les Arabes, que l’on peut estimer, au début des années quatre-vingt-dix à 190 millions d’individus environ, ne forment pas une race. Ils offrent des caractères ethnographiques et sociologiques largement partagés avec d’autres ethnies. Une conscience unitaire n’a été acquise par eux qu’à l’époque contemporaine.1. Définition, extension, statistiqueLes Arabes forment un peuple ou ethnie dont le critère distinctif est l’usage de la langue arabe, langue sémitique caractérisée. Cependant ne se considèrent et ne sont considérés comme Arabes que les individus et les groupes de langue arabe qui se reconnaissent un lien de parenté avec les groupes arabophones liés à l’histoire de l’ancienne Arabie.Les plus anciennes informations sur les Arabes proviennent des textes akkadiens (assyro-babyloniens) et hébraïques. À partir du IXe siècle avant notre ère, ils situent dans le désert syro-mésopotamien et le nord-ouest de l’Arabie une population dénommée en akkadien Aribi, Arubu, Urbu , en hébreu ‘Arab (‘Arb 稜 , «un Arabe»). L’examen des noms propres des membres de ce peuple mentionnés par les textes akkadiens montre que leur langue était effectivement l’arabe. Ils devaient déjà se nommer eux-mêmes ‘Arab. Le mot – ou une forme qui en est dérivée – s’est spécialisé, à certaines époques et dans certains usages, pour désigner seulement ceux des habitants de l’Arabie qui menaient une vie nomade, les Bédouins selon un autre terme indigène.Nous savons que des populations menant un genre de vie semblable occupaient, avant cette époque, le désert syrien et la péninsule du Sinaï. Mais nous ignorons absolument si ces populations étaient de langue arabe. L’étymologie du mot ‘Arab est obscure. On a supposé qu’il dérivait du mot ‘Arabah qui, en hébreu, désigne le désert et particulièrement la dépression désertique au sud de la mer Morte. Le terme, appliqué d’abord aux Arabes de cette région, se serait étendu ensuite à tous les éléments qui leur étaient apparentés, suivant un processus fréquent pour les noms de peuples. Ce n’est qu’une hypothèse.Nous ignorons aussi jusqu’à quelle limite vers le sud s’étendait, aux diverses phases de l’histoire du Ier millénaire avant J.-C., la population arabe. Mais, en tout cas, dans la région méridionale de l’Arabie (Yémen, Hadramaout actuels), on parlait des dialectes d’une autre langue, que nous appelons sudarabique, apparentée, mais distincte. Les habitants de cette région considéraient les Arabes (‘rb dans leurs inscriptions) comme un peuple étranger, et réciproquement.Les Arabes occupent actuellement une très vaste zone de l’Asie et de l’Afrique. Suivant la définition de l’ethnie arabe adoptée ici, il s’agit des nombreux pays où l’arabe classique est langue officielle, administrative, littéraire et culturelle, alors que la population dans sa majorité (majorité faible dans le cas du Soudan) parle des dialectes arabes. On peut en dresser la liste avec une estimation sommaire du nombre des arabophones sur l’ensemble de la population, mais tous ces chiffres sont souvent très peu sûrs et doivent être regardés comme donnant seulement des ordres de grandeur (cf. tableau).On trouvait donc, en 1990, dans cette «zone arabe» (env. 13 000 000 km2, 10 000 000 seulement en soustrayant le Sahara algérien et le Soudan du Sud non arabophones), un ensemble cohérent de 179 millions d’arabophones dans des pays officiellement arabes totalisant 221 millions d’habitants. Deux îlots sont formés par des entités politiques à minorité arabe au milieu de ce monde: Israël avec 860 000 Arabes sur 4 670 000 habitants (territoire d’avant juin 1967) et les presides espagnols de Ceuta et Mellila avec 10 000 Arabes sur 120 000 habitants.Cette zone arabe est entourée de toute une frange de minorités arabophones, tantôt dispersées, tantôt formant des groupes cohérents: en Iran 1 200 000 (?), en Turquie 900 000 (?), en Afrique orientale (Éthiopie, Djibouti, Somalie), en Afrique occidentale (Sénégal, Mali, Niger), en Afrique centrale (Tchad et Nigeria) 1 500 000 (?). Il faut mentionner l’île de Malte, État indépendant dont la majorité des habitants (350 000) parle un dialecte arabe mais qui, séparé du monde arabe par la religion, la culture, les traditions et la mer, ne s’y sent lié aucunement.La zone arabe compte en son sein de nombreux îlots non arabes et de nombreux étrangers dispersés. Ils sont particulièrement importants en Irak, mais on en trouve dans tout le Croissant fertile: «Assyriens» et Mandéens de langue néo-araméenne, Kurdes (3 500 000?), Tcherkesses, Arméniens (500 000?), Tziganes... En Arabie même, parmi les nombreux Iraniens, un îlot cohérent parle un dialecte iranien, le komzari, au Oman: des Indonésiens, des Indiens et Pakistanais, de nombreux Noirs en général arabisés... Un îlot intéressant est constitué par les populations (quelques milliers d’individus) parlant encore des dialectes sudarabiques, dérivés des anciennes langues d’Arabie du Sud, au Dhofar et dans l’île de Sokotra. Enfin, au Maghreb, d’importants îlots ont résisté à l’arabisation et parlent encore des dialectes berbères. Le nombre des berbérophones est difficile à estimer. Il est peut-être de 5 à 7 millions d’individus.Les membres de ces îlots linguistiques et les individus dispersés dans la zone arabe sont à des degrés très divers bilingues, et par conséquent en partie arabisés.En dehors de la zone arabe et de sa frange, il y a des îlots arabes plus ou moins éloignés et détachés, ainsi que des arabophones émigrés dispersés: en Afrique orientale (Ouganda, Kenya, Tanzanie), particulièrement à Zanzibar; à Madagascar, en Afghanistan (à Aqtché à 20 km à l’ouest de Balkh); en Ouzbékistan, au Turkménistan et au Daghestan; en Indonésie, etc. L’émigration est particulièrement importante aux États-Unis (280 000?), en Argentine, au Brésil, au Canada (40 000?), au Chili et surtout en France (environ 1 500 000 arabophones et berbérophones d’Afrique du Nord) et dans le reste de l’Europe.2. Les vagues d’arabisationAvant l’islamLes Arabes d’Arabie se sont infiltrés il y a très longtemps dans le Croissant fertile (Mésopotamie, Syrie-Palestine) et en Égypte. La plupart de ceux qui s’installèrent en Syrie-Palestine et en Mésopotamie s’assimilèrent à la population araméenne dont ils adoptèrent la langue en même temps qu’ils se sédentarisaient. Il se forma un certain nombre de petits États à base arabe plus ou moins aramaïsée, fortement influencés aussi par l’héllénisme: Nabatène, Iturée, Émèse, Osroène, Palmyre. Dès 401 avant J.-C., Xénophon appelle Arabie le nord de la Mésopotamie, et c’était aussi depuis longtemps le nom de la partie de l’Égypte située entre le Nil et la mer Rouge.Au IVe siècle commencent à se former, en bordure du Croissant fertile, des États arabes satellites des empires romain et iranien. C’est de l’un des premiers souverains de ces États, Imru’ l-Qays, qu’émane la plus ancienne inscription pleinement arabe (en écriture nabatéenne) datée de 328. Ces États ont une grande influence sur la Syrie-Palestine et sur la Mésopotamie qu’ils flanquaient. Au VIe siècle, l’immigration arabe, dans le Croissant fertile aussi bien qu’en Arabie du Sud, semble devenir plus massive et avoir tendance à s’assimiler moins rapidement.L’arabisation et ses limites (VIIe-XIe siècle)Mais la grande vague d’arabisation date des conquêtes musulmanes. De 622 à 632, le prophète Mu ムammad (Mahomet) crée à Médine un État théocratique arabe ayant pour base la religion qu’il fonde, l’islam. Il finit par contrôler directement ou indirectement l’ensemble des tribus et des villes de la péninsule arabe. De 633 à 643, ses successeurs conquièrent sur les empires byzantin et sassanide l’ensemble du Croissant fertile, l’Arménie, l’Iran, l’Égypte et la Cyrénaïque. La conquête du Maghreb byzantin et berbère, amorcée dès 647, est achevée peu après 700. L’Espagne est conquise de 711 à 713. À l’est, de 705 à 715, les Arabes s’emparent des bassins de l’Amou-Darya et du Syr-Darya. De 710 à 713, le bassin de l’Indus est soumis à son tour.Cet immense empire est dirigé et exploité par les Arabes et à leur profit. La dynastie omeyyade (660-750) gouverne un empire arabe. En 750, la révolution abbaside qui établit la capitale à Bagdad en fait un empire musulman, en faisant participer une partie des classes dominantes des peuples soumis à l’exercice et aux profits du pouvoir. Dans l’empire arabe puis musulman, la diffusion de la langue arabe est assez lente au début. Elle n’est érigée en langue administrative que sous ‘Abd al-Malik (685-705). La population s’arabise grâce aux grandes villes nouvelles (K fa, Ba ルra en Irak, Fost t en Égypte, Kairouan en Tunisie), d’abord vastes campements où sont concentrés, en pays conquis, les Arabes avec leurs femmes et leurs enfants. Ce sont de grands marchés et les contacts commerciaux se font en arabe avec les paysans des alentours. De même les contacts s’établissent en arabe entre les maîtres arabes et les esclaves des plantations. Sous les Abbasides, on assiste à la dissémination des Arabes de souche et des premiers éléments arabisés dans les campagnes. La conversion à l’islam, qui s’accompagne d’importants avantages fiscaux et sociaux, contribue aussi à l’arabisation: une instruction religieuse sommaire comporte une certaine familiarisation avec le texte arabe du livre sacré, le Coran. La conversion s’accompagne souvent (régulièrement au début) d’une affiliation par adoption aux tribus arabes. Les convertis deviennent vraiment des Arabes.L’arabisation est surtout d’une rapidité spectaculaire dans tout le Croissant fertile où subsistent pourtant des îlots de langue araméenne dans le Liban et l’Anti-Liban, en Irak du Nord, etc. En Égypte, elle est un peu moins rapide, et les paysans de haute Égypte en particulier continuent longtemps à parler copte. En Arabie même subsistent des parlers sudarabiques. Au Maghreb, l’arabisation est très lente. En Espagne, elle est assez rapide, mais incomplète.En dehors des limites de l’empire musulman, une émigration arabe assez forte (continuant l’émigration sudarabique) se produit vers l’Afrique orientale à partir surtout de l’Arabie du Sud.La limite de l’arabisation est, vers le nord, la limite même de l’islam, l’Amanus. Vers l’est, c’est le rebord montagneux du Zagros. Au-delà, on entre en zone iranienne où pourtant sont établis des îlots très importants d’Arabes et où la langue administrative est, vers 700, devenue l’arabe aussi radicalement qu’en Syrie et en Égypte.Cependant l’arabisation est empêchée en Iran par la formation d’États qui conservent l’arabe comme langue administrative, mais dont les dynastes se vantent de leur ascendance iranienne et protègent la culture iranienne sous une forme islamisée. Leur base sociale est la couche des propriétaires fonciers (dehq n ) devenus musulmans, mais non dépossédés de leur pouvoir et restés fidèles aux dialectes iraniens. La formation de la langue littéraire persane, qui donne des productions littéraires importantes à partir de 850 environ, consolide ce refus de l’arabisation.Progrès et reculs de l’arabisation à l’époque de la prédominance turque (XIe-XVIe siècle)Au XIe siècle, les Turcs, originaires d’Asie centrale, infiltrés dans le monde musulman comme esclaves et comme soldats depuis deux siècles au moins, s’y emparent dans une large mesure du pouvoir politique. Mais seuls le Turkestan et l’Anatolie (celle-ci conquise par eux sur Byzance après 1071) sont turquisés. Dans l’ensemble, les populations ne semblent guère influencées, du point de vue ethnique et linguistique, par ces changements de maîtres, changements qui impliquent aussi les Kurdes iraniens, les croisés de l’Occident latin et les Mongols.Dans l’empire mamelouk (1250-1517), dont la classe dominante est turque et qui recouvre la Syrie-Palestine, l’Égypte et l’Arabie, l’arabisation se consolide et se poursuit. En Égypte, le copte sort de l’usage courant après l’an 1000. La dernière inscription copte serait de 1327, le dernier manuscrit de 1393. Il ne subsiste que dans quelques villages chrétiens. De même la littérature syriaque est en décadence très nette à partir du Xe siècle et disparaît pratiquement au XIIIe. À partir de ce siècle, les dialectes araméens parlés en Mésopotamie, en Syrie et au Liban ne subsistent plus qu’à l’état d’îlots.La Nubie est envahie peu à peu par des tribus bédouines venues d’Égypte; l’infiltration s’accentue à partir du XIe siècle. La propagande musulmane acquiert des succès importants à partir du XIVe siècle. Le royaume chrétien de Dongola est détruit en 1350, celui d’Aloa vers 1504. Le pays s’islamise et s’arabise en même temps dans une large mesure. C’est surtout à partir du Soudan arabisé que des groupes arabes commencent à émigrer vers l’Ouest (région du Tchad) à la fin de cette période. Les colonies arabes d’Afrique orientale se fondent en partie dans la population noire locale.Au Maghreb, le XIe siècle marque un progrès de l’arabisation par suite de l’invasion vers 1050 des tribus arabes Hil l et Solaym. L’arabe se répand dans les campagnes. Au sud du Maroc, la Mauritanie jadis noire, puis berbérisée, islamisée sous les Almoravides (vers 1060-1145), est envahie au XIVe et au XVe siècle par des Arabes venus d’Arabie, en premier lieu les Ma‘qil, qui arabisent dans une large mesure ce pays.Par contre, la langue arabe perd au cours de cette période les domaines qu’elle avait acquis en Europe occidentale: la Sicile est enlevée par les Normands (1070-1085), mais une partie importante de la population reste, encore un certain temps, musulmane et arabophone; l’Espagne est progressivement reconquise par les chrétiens et le dernier État musulman y disparaît en 1492, la langue arabe tombant en désuétude au cours du XVIe siècle chez les musulmans demeurés sur place. Par contre, Malte, tombée aux mains des Normands en 1090 et qui garde des musulmans jusqu’à 1249, conserve un dialecte arabe jusqu’à nos jours.La stabilisation (XVIe-XXe siècle)Pendant cette période, la plus grande partie des pays arabes se trouve sous la souveraineté de l’empire ottoman. Mais le Croissant fertile demeure de langue arabe, quoique le turc soit (comme en Égypte et au Maghreb) la langue des éléments dirigeants. Les îlots araméens continuent à s’amoindrir. En Égypte, le copte disparaît tout à fait sauf comme langue liturgique. En Libye, de langue arabe en majorité, le berbère garde ses positions. Sur l’Algérie et la Tunisie, la domination d’Istanbul est très théorique. Mais une oligarchie de langue turque, accrue d’Européens ou de Levantins chrétiens convertis à l’islam, prédomine, tandis que l’arabisation des campagnes se poursuit. Au Maroc, le berbère continue à tenir d’importantes positions. En Mauritanie, des éléments berbères luttent, aux XVIIe et XVIIIe siècles, contre la domination arabe. Mais les émirs arabes finissent le plus souvent par l’emporter et l’arabisation se poursuit. La pénétration arabe dans la région du Tchad s’accroît sensiblement à partir de la Libye et du Soudan.Au XIXe siècle commence la colonisation ou semi-colonisation du monde arabe par des éléments européens. Des transferts de population importants n’accompagnent ce processus politique qu’en Algérie, en Libye et en Palestine. Des colonies européennes de commerçants s’établissent partout en nombre assez réduit, malgré leur importance économique. Ils sont particulièrement nombreux en Égypte. D’autres émigrations ont lieu dans la zone arabe: celles des Caucasiens musulmans après la conquête du Caucase par les Russes, des Arméniens persécutés par les Turcs, etc. Des Noirs, esclaves ou non, pénètrent constamment en Afrique méditerranéenne. En Nubie, au XVIe siècle, les Foundj, Nègres nilotiques conquérants de la région, avaient adopté peu à peu l’islam et ne devaient pas tarder à s’arabiser, surtout dans les couches supérieures.À la fin du XIXe et au XXe siècle, l’émigration arabe, pour des raisons essentiellement économiques, est importante vers l’Amérique du Nord et du Sud. Les gens d’Arabie du Sud émigrent beaucoup en Indonésie, et les Maghrébins en France.3. Anthropologie physiqueLes Arabes ne forment pas une race, c’est-à-dire une unité anthropologique stable définie par des caractères physiques relativement constants qui leur appartiendraient en propre.La plupart des membres de l’ethnie arabe sont en réalité des arabisés. Le nombre des conquérants sortis d’Arabie au VIIe siècle a été évalué (très dubitativement) à 200 000. Avec les Arabes déjà installés dans le Croissant fertile, ils ne devaient pas dépasser quelques centaines de mille. Les populations qu’ils conquirent et qui s’arabisèrent peu à peu devaient se compter par millions.L’Arabie était habitée depuis l’époque paléolithique, mais nous ignorons à partir de quand ses habitants peuvent être considérés comme Arabes, c’est-à-dire parlant la langue arabe. De forts arguments ont été avancés pour supposer que les chasseurs de l’âge de la pierre ont été rejoints à partir de la fin du IIe millénaire avant J.-C. par des populations d’origine sédentaire du Croissant fertile, qui adoptèrent comme mode de vie le nomadisme fondé sur l’élevage du dromadaire, domestiqué à cette époque. Nous n’avons pratiquement pas de documentation anthropologique provenant d’Arabie pour ces époques anciennes.L’ensemble de l’Asie antérieure où se fondirent les Arabes d’Arabie a été habité par des préhominiens et aussi par des hominiens plus ou moins proches de l’homme de Néandertal. Les types les plus anciens d’Homo sapiens qu’on y peut déceler ont été rattachés à la race protoméditerranéenne, dolichocéphale et de petite taille. On voit s’y ajouter au Néolithique des éléments d’une race eurafricaine, dolichocéphale et de stature plus élevée. Des types brachycéphales apparaissent dès le Paléolithique supérieur en Algérie, à partir du Mésolithique en Palestine, plus tard en Irak. Ils se rattacheraient à la race alpine. Des brachycéphales arménoïdes apparaissent plus tard. Mais tous ces brachycéphales sont d’abord en très petit nombre.À l’époque historique, on voit croître le nombre des Alpins et des Arménoïdes, s’introduire des Nordiques, et surtout des Négrides. L’Arabie subit une forte influence négride et éthiopide. En Arabie du Sud s’infiltre à une époque indéterminée un élément gondide apparenté aux races veddoïdes de l’Inde. Les Mongoloïdes paraissent avoir eu une influence restreinte.Actuellement, les membres de l’ethnie arabe se rattacheraient en bonne partie à une race méditerranéenne (crâne dolichocéphale, ou faiblement mésocéphale, peau foncée, yeux brun foncé, cheveux très noirs) qui serait fortement représentée sur tout le pourtour de la Méditerranée. En Afrique du Nord, on aurait surtout affaire à sa variété dite ibéro-insulaire (taille petite, face longue ou ovale, menton arrondi, nez fin à dos rectiligne se terminant par une pointe effilée). On retrouve en Égypte cette variété, avec des modifications datant pour la plupart de l’Antiquité et stabilisées depuis, avec des éléments brachycéphales du Proche-Orient (et, surtout au Sud, avec des éléments négrides), d’où notamment une taille un peu plus élevée et une tête plus large.Au sein de l’ethnie arabe d’Asie antérieure, plusieurs auteurs distinguent une race orientale, là où d’autres ne voient qu’une sous-race sud-orientale de la race méditerranéenne. Elle serait caractérisée par une tête très dolichocéphale et très haute avec occiput saillant, une face longue et étroite à contour elliptique, un nez très mince aux ailes comprimées, au dos droit ou aquilin, à la racine remontant haut entre les yeux, des lèvres minces, des yeux noirs en amande à l’angle interne arrondi, des cheveux ondulés ou bouclés, une taille un peu supérieure à la moyenne (165 à 168 cm), un corps mince et sec, une pigmentation foncée, une plus grande pilosité. En tout cas, il y aurait au Proche-Orient beaucoup d’éléments méditerranéens classiques (ibéro-insulaires ou atlanto-méditerranéens) à côté des Orientalides, particulièrement chez les Arabes d’Arabie et de Syrie. La race arabide, qui, selon B. Lundman, se reconnaîtrait dans le désert d’Arabie et en Irak méridional, paraît assez artificiellement constituée.La race arménoïde (hyper-brachycéphale, occiput aplati, face longue, nez développé) – ou la race anatolienne selon Vallois – se retrouverait dans les montagnes de la région côtière syrienne, et un noyau semble en réapparaître au Hadramout. En tout cas, dans le Croissant fertile, le type dominant est brachycéphale, même si l’exagération de cette brachycéphalie paraît souvent être due à l’usage de garder longtemps les enfants solidement emmaillotés sur un berceau de bois. Pourtant l’Irak du Nord est plus orientalide, donc dolichocéphale. Les Bédouins d’Arabie semblent plus dolichocéphales, surtout dans le Nord. En Arabie du Sud, des éléments veddides ou gondides se mélangent à des éléments arménoïdes et «arabides», avec aussi des éléments négrides et éthiopides.Les groupes sanguins donnent des indications parfaitement objectives sur les mélanges ethniques. Le gène B, fréquent en Asie centrale, se raréfie à mesure qu’on s’en éloigne, mais il connaît une remontée en Égypte. Le gène A, représenté dans le monde entier sauf chez une partie des Amérindiens, a une fréquence moyenne au sein de l’ethnie arabe, très basse chez les Bédouins Rwala, assez élevée au Caire. La fréquence du gène O est grande chez les Bédouins Rwala et du Maroc, un peu moindre au Liban et à Alger. La conclusion la plus sûre qu’on en puisse tirer, c’est l’importance et l’ancienneté des mélanges ethniques au sein de l’ethnie arabe.4. Caractères ethnographiques et sociologiquesL’ethnie arabe d’avant l’islam avait une culture originale, dont les traits particuliers dérivaient de son genre de vie, de sa tradition culturelle et d’apports étrangers plus ou moins intégrés. C’était une culture de pasteurs nomades, vivant de l’élevage du dromadaire et du commerce caravanier, groupés en tribus et clans patriarcaux, dont le niveau de civilisation matérielle restait très bas. Les oasis agricoles et les villes commerçantes étaient des îlots au sein de cette société nomade dont elles adoptaient les valeurs et la culture. Le seul art développé était celui de la parole: éloquence et littérature orale. La religion était un polythéisme sans organisation sacerdotale complexe. Mais c’était surtout la notion d’honneur qui formait le noyau de l’idéologie courante, et l’absence d’idées précises sur la vie d’outre-tombe aboutissait à un «humanisme tribal» où l’homme social, l’homme du groupe, était la valeur suprême. Pourtant un individualisme exacerbé se faisait souvent jour. La témérité, la forfanterie, l’insouciance, la loyauté, le courage étaient des valeurs très prisées.Cette culture a toujours eu des contacts étroits avec la culture des agriculteurs sédentaires d’Arabie du Sud. Au VIIe siècle, Arabes et Sudarabiques (en partie déjà arabisés) firent la conquête du Proche-Orient et du Maghreb. La synthèse des éléments culturels disparates provenant des diverses ethnies de cette vaste zone mit un certain temps à se faire. Ce n’est qu’à l’époque abbaside, au VIIIe siècle, que, dans les limites de l’empire musulman, on voit se développer une culture nouvelle résultant du brassage des hommes, des biens matériels et des idées. Il convient de lui donner le nom de «civilisation musulmane» pour rendre justice aux apports de toutes les ethnies qui y contribuèrent. Sa principale source est la civilisation hellénistique orientale. Les Arabes avaient apporté surtout leur langue, leurs formes littéraires et leur religion, l’islam. Tous ces éléments furent d’ailleurs, dans une large mesure, transformés de l’intérieur. Cependant la société et la culture arabe d’Arabie fournissaient à cette société une sorte de modèle idéalisé auquel elle se référait constamment.La civilisation musulmane, à laquelle participent les Arabes au sens post-islamique du mot – c’est-à-dire comprenant en grande majorité des arabisés – ainsi que beaucoup de chrétiens et de juifs, est décrite par ailleurs [cf. ISLAM].Parmi les ethnies musulmanes, les Arabes ont un cachet particulier, très difficile à définir d’ailleurs. Ils n’ont pas de traits culturels, communs et spécifiques à la fois, assez nombreux pour permettre de parler d’une civilisation proprement arabe. Ils sont très divers par le genre de vie (Bédouins, agriculteurs, citadins), par les traditions culturelles régionales, par les mœurs, par les dialectes parlés, partiellement par l’histoire. Mais des facteurs d’unité très importants existent aussi: langue écrite et parenté des dialectes; histoire en partie commune avec tradition admirative pour les fastes de l’empire musulman médiéval, fondé et longtemps dirigé par les Arabes; gloire d’être le milieu ethnique d’où est issu l’islam et privilèges attachés à cette situation; littérature arabe ancienne et moderne partout lisible et puissant véhicule d’idées; toutes les formes d’expression en arabe classique ou en arabe dialectal, dans la mesure où elles sont compréhensibles pour des Arabes parlant d’autres dialectes (on sait la vogue du cinéma égyptien et la diffusion interarabe des chansons), etc.Il en résulte une psychologie collective que les méthodes encore bien peu scientifiques de la caractérologie ethnique permettent mal de définir. Les traits proposés par divers auteurs sont trop souvent partagés par d’autres peuples et de grandes différences sont sensibles entre Arabes des différents pays (particulièrement entre Maghrébins et Orientaux). Beaucoup de traits sont visiblement liés à des conditions politiques, économiques et sociales transitoires. La caractérologie arabe est un domaine encore vierge du point de vue scientifique.5. Conscience unitaireLes tribus arabes de l’anté-islam nouaient entre elles des alliances, dont certaines furent permanentes, mais c’est le particularisme qui dominait. Néanmoins, la conscience unitaire se fait jour dans les désignations fondées sur la langue commune, qui opposent les Arabes (al-‘Arab ) aux étrangers (al-‘Adjam ). Elles sont renforcées par les classifications étrangères qui distinguent bien un peuple arabe. La conscience populaire des parentés entre tribus s’exprime, sans doute très anciennement, par des généalogies fictives qui seront plus tard rattachées au schéma biblique du chapitre X de la Genèse. Les Sudarabiques étaient des étrangers également dont l’ancêtre mythique, Qahtân, ne fut rattaché que très tardivement aux ancêtres des Arabes du désert.L’empire islamique accordant, surtout au début, des privilèges aux Arabes (y compris aux Sudarabiques) renforça leur sentiment de former un peuple spécifique. Les rivalités pour le prestige et les positions sociales à l’époque abbaside consolidèrent ce sentiment. Mais il ne prit qu’à l’époque contemporaine la forme d’une idéologie nationaliste.
Encyclopédie Universelle. 2012.